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Grand Raid du Morbihan 2015 - 177 km : quand l'ultra vous gagne...

Ultra Marin 2015 Grand raid 177 km

En ce vendredi 26 juin, au moment de m’élancer sur la distance-reine de cet Ultra Matin du Morbihan, je m’interroge encore sur les motivations qui m’ont conduit à m’inscrire sur cette course hors-norme. Besoin d’atteindre mes limites voire de les repousser à un stade inconnu jusqu’à alors ? Goût exacerbé pour l’ultra-endurance ? Flatterie de l’égo ? Certainement un peu de tout çà compte-tenu des charges d’entraînement que je me suis infligées ces derniers mois jusqu’à atteindre un kilométrage hebdomadaire de 140 km au pic de ma préparation.

Il y a 1 an, jour pour jour, au lendemain du marathon du Mont-Blanc, Gianigump m’avait lancé l’invitation de venir me confronter à ce grand Raid en sa compagnie. J’avais décliné, prudemment, cette invite au vu des 177 km à parcourir. Or, un peu plus tard, l’idée a fait peu à peu son chemin et le récit de Zeclown m’a ému au point de me décider à me lancer dans l’aventure. Serai-je capable d’aller au bout ? Et bien, quand on ne sait pas, on le tente ou on ferme sa gu….

Une fois l’inscription réalisée, il n’était plus question de tergiverser et la préparation spécifique pouvait dès lors commencer : 80 km de l’Eco Trail de Paris, marathon et semi d’Annecy le même jour, plus divers marathons parcourus toujours à une vitesse trop élevée ce qui ne manquait pas de m’inquiéter pour l’avenir. Sans parler d’un travail de côtes conséquent car j’avais lu que la succession de petites côtes et d’escaliers engendraient pas mal de désagréments sur les organismes.

Arrivé le jour même de la course sous un beau soleil et une chaleur qui n’augure rien de bon pour le lendemain hélas, je retire le dossard et on m’attache le fameux bracelet jaune qui m’ouvrira les portes de chaque ravitaillement. Accompagné de mon staff, déjà présent à Millau et Belvès, on respectera les fondamentaux avec Zeclown et Eric27 en buvant quelques bières, afin de nous donner moult courage… ou de nous faire oublier nos craintes. Car le temps passe vite, trop vite… J’ai eu à peine le temps de me préparer au camping du Conleau qu’il est déjà temps de se rendre au départ à Vannes.

Le temps de faire quelques photos avec les CLM présents (Nono83, Runnindoum, Catson et Eric27 mais sans Zeclown à la bourre) et de se souhaiter bonne course, et le départ est donné pour les quelques 800 concurrents (ou inconscients) avec une première boucle intra-muros au milieu d’une foule nombreuse qui ne ménage pas ses encouragements, sous une chaleur lourde de28°.

Le target est bien entendu de finir cet ultra et, si possible, en moins de 29 heures. Le Nirvana serait d’atteindre les 28 heures mais cela me paraît bien présomptueux au regard des difficultés qui s’annoncent.

Les premiers kilomètres sont effectués en 2e partie du peloton, en compagnie de Nono et Doumé, le long du port de Vannes. La poussière soulevée par les runners est impressionnante et assèche la gorge.  Très rapidement, je perds mes deux compères mais récupère Zeclown qui a accéléré pour me retrouver après l’Aquarium. On passe par une très jolie pinède et la piscine naturelle du Conleau où de nombreux estivants s’ébattent pour se rafraîchir. J’aurais bien aimé les imiter au lieu de faire le guignol…

Le parcours nous fait emprunter des chemins côtiers à l’ombre des pins maritimes nous faisant découvrir de belles demeures et des ouvertures sur le Golfe, avec ses eaux d’un bleu profond, ses îles et presqu’îles, et ses voiliers innombrables.

Cette année, nous avons de la chance avec la marée qui n’atteint qu’un coefficient de 40 au lieu des 120 de l’an dernier. Cela nous évite de marcher dans la mer, nous faisant ainsi gagner de précieuses minutes. Par contre, les passages sur le sable, recouvert d’algues, et sur les rochers occasionnent quelques glissades sans gravité heureusement.

Le temps s’écoule vite avec ce paysage superbe et, sans s’en rendre compte, j’arrive déjà au premier ravito du 17e km après 1h50 de course en 321ème position, bientôt rejoint par Nono, Doumé et Zeclown. Je repars d’ailleurs avec ce dernier jusqu’au 21e km où Didier, en délicatesse avec sa cuisse, préfère me laisser partir. Je ne reverrai plus personne à compter de ce moment-là…

Je continue de longer un long moment le Golfe avant de le quitter pour rentrer dans les terres où je subirai, brièvement, un orage. Le temps d’enfiler ma gore-tex et la pluie a déjà cessé. Au moins, la température est-elle plus clémente dorénavant.

Arrivée au stade de Larmor-Baden, après 36 km en 4h03 et en 245e position.  J’en profite pour recharger mes gourdes et manger du salé (saucisson, chips) car j’ai le visage blanc de sel. Avant de repartir, je me retourne une ultime fois afin d’apercevoir éventuellement les autres CLM mais personne à l’horizon. J’appelle également au téléphone mes potes afin de savoir où ils se trouvent. En fait, ils sont au restaurant, attablés autour d’une bonne bouteille de Côtes de Blaye et pensent bien à moi ! Et moi, avec mon Overstim à la c… Nous nous donnons rendez-vous au Bono.

Je longe à présent des étangs et des anses agrémentées de parc à huîtres. La nuit tombe, petit à petit et j’allume la frontale, d’autant plus que dans les parties forestières, je manque plus d’une fois de finir à terre en trébuchant sur ces sal… de racines. L’allure est régulière et facile mais tout reste à faire…

Arrivée au port du Bono après 6h36 et 54 km en 179e position vers 23h45. J’y retrouve mon staff venu avec des amis. Leur présence apporte un bon réconfort après cette première partie de course et avant d’entamer réellement le Grand Raid. Une bonne soupe réparatrice et je ne m’attarde guère : 8 minutes au final de stand-by. Je donne rendez-vous aux miens à Arzon demain matin que j’espère atteindre vers les 6 heures.

Il fait nuit noire et il est difficile à présent de se repérer visuellement afin de savoir où je suis. J’arrive à Auray où dînent encore des touristes qui encouragent les quelques coureurs qui passent devant eux. Puis s’amorce la redescente vers l’entrée du Golfe. Cette fois, nous rentrons dans les terres et cheminons à travers les bois. Pendant plus de 4 heures, je serai plongé dans l’obscurité. Je plains ceux qui craignent les bêtes… ;-)

Cette partie était clairement la plus laide du parcours et, finalement, il était préférable de l’emprunter de nuit. J’arrive à Crac’h, point kilométrique 70 après 8h44 de course en 148e position. Là encore, recharge des gourdes et une bonne soupe réparatrice. C’est en repartant que je m’égare une première fois car point de rubalise. Je fais demi-tour et rencontre d’autres concurrents eux aussi à la recherche du bon chemin. Finalement, un bénévole nous indique la route à prendre. Une rubalise avait été apparemment enlevée « sauvagement ».

Au terme de 2h20 de chevauchée toujours dans le noir, j’arrive enfin à Locmariaquer. Hélas, avant de prendre le bateau, il convient d’effectuer une boucle de 5 km avant de rejoindre le port d’embarquement. J’atteins celui-ci au 86e km, après 11h07 de course et en 128e position, à exactement 4h14 du matin pour un plan de course prévu à… 4h14 !!! Incroyable !

La traversée en zodiac s’effectue donc de nuit en compagnie de 3 autres coureurs. J’en profite pour discuter avec le pilote qui nous annonce dans les 100 premiers ce qui me laisse dubitatif car j’imaginais plutôt être aux alentours des 200 premiers. Il faut ajouter que tous les classements intermédiaires que je signale depuis le début de mon récit n’ont jamais été connus de moi-même pendant le raid. C’est l’ami Carpediem, bien plus tard, qui m’informera de mon classement. Cela aura son importance quant à ma tactique de course et mon moral.

Une fois débarqué à Port Navalo, je prends soin de me passer du baume du Tigre sur les cuisses et les mollets. En effet, le chrono est stoppé entre l’arche d’embarquement et celle du débarquement et décompté du temps final. Il ne sert à rien, donc, de repartir précipitamment.

Prochain objectif : Arzon. Le soleil commence à se lever sur la Golfe et ses îles. C’est assurément le moment fabuleux que je retiendrai de cette course car le spectacle est grandiose. L’une des beaux endroits qu’il m’ait été donné de contempler, faisant oublier la fatigue qui, pourtant, s’installe petit à petit.

Je commence à ressentir un échauffement au niveau d’un orteil du pied gauche, signe caractéristique d’une ampoule qui se forme. Qu’importe ! Je la percerai au ravito. J’atteins celui-ci à 5h40 en avance sur mon plan de course, après 12h09 et en 120e position. J’y rejoins mes amis qui ont passé une nuit bien courte par ma faute. Pendant qu’ils s’occupent de recharger mon camel bag, je retire la chaussette afin de vérifier l’étendue des dégâts. Et ce n’est pas beau. Une ampoule s’est formée sous un ongle, le décollant pratiquement complètement. Je me remémore ce qui était advenu à Eric27 l’année dernière et préfère éviter les podologues. Je m’entoure l’orteil avec de l’élasto qui, j’espère, tiendra jusqu’à l’arrivée. Je prends un peu de jambon et saucisson avec des coquillettes puis je change de chaussettes, chaussures et T-shirt. Cela fait du bien, au moins moralement. Je repars au bout de 40 mn d’arrêt.

Le parcours longe à nouveau les anses du Golfe, via des chemins côtiers. Le soleil est maintenant bien là et darde ses rayons sur les pauvres coureurs. Je bois beaucoup, trop peut-être car j’arrive à Sarzeau à sec et un peu déshydraté. Passage en 105e position après 121 km et 16h13 d’efforts.

J’ai alors du mal à repartir car j’ai des nausées que je n’ai jamais d’habitude. Je suis obligé de faire un arrêt technique en catastrophe au gymnase. La suite s’annonce délicate mais je repars. Il est à présent de plus en plus difficile de relancer la machine après un arrêt-ravito.

La traversée des marais salants, peu avant St Armel, s’avèrera un calvaire pour moi. Je suis contraint de marcher, l’estomac retourné pendant près de 10 km ponctués d’arrêts. Je me fais doubler par des marcheurs ( !) qui, inexorablement, s’éloignent de moi à chaque foulée. Mon estomac est vide et mon moral à plat. Vais-je continuer ainsi à souffrir et à me traîner pendant plus de 50km sous une chaleur accablante ? C’est le seul moment de doute que je connaîtrai mais j’avoue avoir pensé alors à l’abandon.

Je me suis accroché dès lors afin de rejoindre le prochain point de ravitaillement avant de prendre une décision. Finalement, j’arrive à un point d’eau au Hézo. Je bois 1 litre d’eau ( !) et refais le plein. J’en profite pour ingurgiter 2 barres protéinées et repars. Dès lors, et je ne saurai l’expliquer, la forme revient, vite et même très vite. Je recours enfin à une vitesse décente. Même si la chaleur est redoutable et que les portions de bitume sont barbantes car à découvert, je rencontre des moments sympas telles ces voitures qui me klaxonnent et dont les passagers, baissant les vitres, applaudissent. Le Grand Raid a un grand retentissement dans la région et grand est le respect des habitants pour les « Jaunes », couleur des dossards du 177 km.

Je rejoins le stade de Noyalo, km 142, après 19h42 de course et en 103ème position. Je croyais me retrouver à la bourre sur mon plan de course avec ces aléas et, finalement, j’arrive avec une demi-heure d’avance sur mon planning, surprenant même mes amis qui n’avaient pas fini de déjeuner au restaurant. Je ne m’attarde guère et repars après 8 mn d’arrêt.

Jusqu’ à Séné, situé à plus de 15 km, on n’emprunte plus que des routes goudronnées, exceptés quelques passages en sous-bois. Cela me permet de remonter pas mal de concurrents plus ou moins en difficulté. Peu avant Séné, je reçois un appel de Carpediem qui m’annonce en 101ème position et m’encourage à ne rien lâcher. Cette annonce a pour effet de me mettre un bon cul de pied au c…

Arrivé à Séné (km 155) à 22 km de l’arrivée après 22h09 de course, je ravitaille très rapidement. Je consulte le plan de course avec mes amis et je repars avec le couteau entre les dents, plus déterminé que jamais. Je sais que la course est gagnée et comme il n’est « que » 15h40, je comprends dès lors que j’arriverai avant 23 heures, heure initiale d’arrivée. Mon but à présent : jouer au pacman et remonter le plus grand nombre possible de coureurs !

Le parcours nous fait passer à présent par des plages bondées d’estivants qui nous applaudissent, entrecoupées d’escaliers bien pentus qui rejoignent le sentier douanier. Les quadri sifflent… La côte est désormais plus urbanisée : beaucoup de résidences secondaires et beaucoup de monde. Et un joli spectacle de régates dans la rade ! Je suis maintenant avec un groupe de 4 autres coureurs. Un bénévole en vélo nous annoncent dans les 85 premiers. Le calcul est vite fait : si je largue mes compagnons, le top 80 me tend les bras !

J’aperçois les premières maisons de Vannes et, à l’occasion d’une montée, je place un démarrage croyant qu’il ne me restait que quelque kilomètres (en fait, il m’en restera 15 !). Je ne reverrai plus, cependant, mes compagnons.

J’appelle Valérie pour la prévenir que je dois être à un ou deux kilomètres de l’arrivée. Or, j’ai oublié que nous devions parcourir une ultime boucle de 6 km au sud de Vannes. C’est un bénévole qui me l’apprend ce qui ne manque pas de m’asséner une énorme claque !  Que cette boucle me semble interminable ! Je me protège la joue gauche des rayons du soleil car je suis littéralement brûlé, au propre comme au figuré. J’alterne marche et course, même si cette dernière est de plus en plus dure.

Finalement, à deux kilomètres de l’arrivée, j’entends la sono. De plus en plus de promeneurs m’encouragent en me disant que c’est fini. J’accélère… A un kilomètre, je débouche sur le port au milieu des tables bondées des restaurants et bars. Je suis seul : personne devant, ni derrière. J’ai droit à une arrivée qui me fait encore frissonner aujourd’hui quand j’y repense : une ambiance digne de l’Alpe d’Huez avec tous ces gens qui se lèvent de table pour applaudir. Toute trace de fatigue s’est estompée et la dernière ligne droite est parcourue à fond car je veux finir avant 19 heures, heure de l’apéro (je finis à 18h59 !). La dernière arche est franchie et c’est la délivrance : FINISHERRRRRR ! 25 heures 27 mn et une 79e place au classement qui me paraît irréelle.

Que la bière de récupération fut agréable !

Et maintenant me direz-vous ? C’est une course incroyable, dure, exigeante surtout avec ces conditions climatiques que j’exècre. Et pourtant, sa magie opère car, si je disais au lendemain de ce grand Raid, que je ne recommencerai pas ayant parfois joué avec la ligne rouge, je suis aujourd’hui persuadé que les moins de 24h, voire 23h, sont possibles avec une meilleure gestion des temps de pause. Mais cela est une autre histoire…

 

 

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Commentaires 1

El Palmero le samedi 3 août 2019 06:34

Bravo Robocop78 pour cette grande performance et merci pour ce récit ... Chapeau bas l'artiste ... en lisant ton énorme aventure, j'avais presque envie de dire "Allez le PSG" ... j'ai dit presque

Bravo Robocop78 pour cette grande performance et merci pour ce récit ... Chapeau bas l'artiste ... en lisant ton énorme aventure, j'avais presque envie de dire "Allez le PSG" ... j'ai dit presque
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